Cérémonie et Sutras

Cérémonie

Zazen la méditation assise, est le cœur du zen.

« Lorsque le dans le silence les mots sont oubliés, cela surgit devant vous avec clarté ! Lorsque vous le réalisez, le temps n’a plus de limite et c’est le moment où votre cœur vient à la vie. »

Maitre Wanshi Sokaku (1091-1157), le chant de l’illumination silencieuse.

Les périodes de zazen sont suivies d’une courte cérémonie, comme un pont entre le silence de zazen et l’expression de la vie quotidienne par des gestes rituels simples, par le chant des sutras.

Les cérémonies se font en harmonie les uns avec les autres dans un esprit de gratitude envers la lignée de la transmission des maîtres et des patriarches.

Les Sutras

Maka Hannya Haramita Shingyo — Essence du Sutra de la Grande Sagesse qui permet d'aller au-delà

Le bodhisattva de la Vraie Liberté, par la pratique profonde de la Grande Sagesse, comprend que le corps et les cinq skandha (sensation, perception, pensée, activité, conscience) ne sont que vacuité — ku — et par cette compréhension, il aide tous ceux qui souffrent.O Sariputra, les phénomènes ne sont pas différents de ku. Ku n’est pas différent des phénomènes. Les phénomènes deviennent ku. Ku devient phénomène (la forme est le vide, le vide est la forme), les cinq skandhas sont phénomènes également.O Sariputra, toute existence a le caractère de ku, il n ’y a ni naissance, ni commencement, ni pureté, ni souillure, ni croissance, ni décroissance. C’est pourquoi, dans ku, il n ’y a ni forme, ni skandha, ni oeil, ni oreille, ni nez, ni langue, ni corps, ni conscience : il n’y a ni couleur, ni son, ni odeur, ni goût, ni toucher, ni objet de pensée : il n’y a ni savoir, ni ignorance, ni illusion, ni cessation de l’illusion : ni déclin, ni mort, ni fin du déclin, ni cessation de la souffrance, il n’y a pas de connaissance, ni profit, ni non profit.Pour le Bodhisattva, grâce à cette sagesse qui conduit au-delà, il n’existe ni peur ni crainte. Toute illusion et attachement sont éloignés et il peut saisir la fin ultime de la vie, le nirvana.Tous les Bouddhas du passé, du présent, du futur peuvent atteindre à la compréhension de cette suprême sagesse qui délivre de la souffrance, et permet de trouver la réalité. Cette incantation (mantra), incomparable et sans pareil se dit :« Aller aller ensemble au-delà du par delà sur la rive du satori »

Kannon gyô — Sutra de Kannon

Myôhôrengekyô Kanzeon bosatsu fumonbon ge

 

« Ô Vénéré du monde, pourvu des marques merveilleuses, voici maintenant une question
importante. En raison de quelles conditions appelle-t-on ce fils de bouddha : ‘Contemplant
Attentif aux Appels du Monde’ ? »
Le Très Vénéré pourvu des marques merveilleuses répondit en ces vers au Bodhisattva
Aksayamatir « Sapience de l’Impérissable » :
« Suivez bien la pratique du Contemplant Attentif aux Appels du Monde.
Son vœu immense de répondre par le bien dans toutes les directions
Est profond comme l’océan.
Pendant des éons inimaginables,
Il a suivi un nombre incommensurable de Bouddhas.
Il a fait vœu de pureté suprême
Que je vais vous exposer brièvement ici.
Entendre son nom, voir son corps et garder le souvenir de lui à l’esprit,
Ne sont pas actions vaines.
Il peut éteindre les souffrances de tous les êtres.
Seriez-vous poussé dans une fournaise par un être à l’esprit malfaisant
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels
Et cette fournaise sera bain bienfaisant.
Ou bien, seriez-vous à la dérive sur le vaste océan
Et menacé par dragons, poissons et démons,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels
Et les vagues ne pourront pas vous faire sombrer.
Ou bien, seriez-vous précipité du sommet du Mont Sumeru,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels
Et vous demeurerez suspendu dans l’espace comme le soleil .
Ou bien, un homme mauvais vous pourchasserait-il
Pour vous faire déchoir du Mont du Diamant,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels
Et ce mauvais ne pourra vous toucher un seul cheveu.
Ou bien, ce qui vous est cher serait-il cerné par des bandits
Montant à l’assaut armés chacun d’un sabre,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels
Et tous seront immédiatement bienveillants.
Ou bien, seriez-vous persécuté par un roi
Et condamné à être exécuté et à voir s’achever votre vie,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels,
Et la lame du glaive se brisera.
Ou bien, seriez-vous emprisonné et enchaîné
Mains et pieds liés par des fers,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels,
Et vous obtiendrez votre libération sans l’ombre d’un doute.
Quelqu’un voudrait-il porter atteinte à votre corps
Par des magies ou des poisons,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels,
Et ces maléfices se retourneront contre leur auteur.
Ou bien, auriez-vous affaire à des vampires,
Des dragons venimeux, des diables, et autres pareils,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels,
Et à ce moment ils ne pourront pas vous faire de mal du tout.
Si vous deviez être encerclé de bêtes féroces,
Armées de dents et de griffes effrayantes,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels,
Et elles se disperseront à perte de vue.
Quant aux vipères, frelons ou scorpions
Crachant venin, fumée ou flammes,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels,
Et ils s’éloigneront d’eux-mêmes au son de votre voix.
Dans les nuages, les roulements du tonnerre et les éclairs paralysants,
Les tempêtes de grêle, les déluges torrentiels,
Pensez au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels,
Et ils se dissiperont dans le moment.
Tous les êtres chargés de malheurs,
Et souffrant d’innombrables besoins dans leur corps,
Par la force de la miraculeuse omniscience du Contemplant Attentif aux Appels,
Pourront se sauver des souffrances de ce bas monde.
Par ses pouvoirs surnaturels qui lui permettent tout,
Il utilise son immense sapience
Dans toutes les terres et tous les pays des dix directions :
Il n’est pas un lieu où il ne se manifeste physiquement.
Toutes les sortes de mauvaises inclinations,
Toutes les persécutions démoniaques et bestialités,
Toutes les souffrances de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort,
Il les mène successivement à complète extinction.
Ô Contemplant au regard vrai, au regard pur,
Au regard empreint de vaste et grande sagesse,
Au regard compatissant, au regard généreux ;
Toujours prié, toujours révéré.
Que ton soleil de sagesse à l’éclat pur de toute souillure déchire les ténèbres,
Qu’il soumette le vent et le feu du malheur,
Que sa clarté universelle illumine le monde.
Que le grondement du tonnerre de la moralité de ta conduite née de ta pitié,
Et le grand et merveilleux nuage de ta charité
Déversent la pluie du nectar de la Bonne Loi
Qui éteint les flammes des passions !
Qu’il suffise que l’innocent accusé devant une Cour
Ou effrayé au milieu d’un champ de bataille,
Pense au Pouvoir du Contemplant Attentif aux Appels,
Pour voir la multitude de ses ennemis se retirer en débandade.
La voix merveilleuse du Contemplant Attentif aux Appels du Monde
C’est la voix pure à nulle autre pareille du Tel-quel Advenu :
La voix d’un océan couvrant les rumeurs de ce bas monde.
C’est pourquoi il faut l’avoir à l’esprit en tous temps,
Y penser constamment et ne pas donner naissance au doute.
Le pur et saint Contemplant Attentif aux Appels du Monde,
Océan incommensurable de bonheurs cumulés,
Pourvu de tous les mérites,
Sur lequel on peut compter dans le malheur,
La douleur, la maladie et la mort,
Considère tous les êtres vivants de son oeil bienveillant.
Voilà pourquoi l’on doit lui rendre hommage en s’inclinant profondément. »
A cet instant, le Bodhisattva Dharanimdhara « Porteur de la Terre » se leva prestement de son
siège, et dit au Bouddha en s’avançant : « Ô Honoré du monde, s’il est des êtres vivants qui
entendent cet exposé sur le Contemplant Attentif aux Appels du Monde, et qui, grâce à ce
pouvoir merveilleux, actualisent par eux-mêmes la Bonne Loi universelle, qu’il soit alors su
que les mérites de ces hommes ne sont pas minces. »
Or, pendant que le Bouddha prêchait cette Bonne Loi universelle à la foule, une multitude des
êtres vivants donna libre cours à l’inégalable aspiration à l’accomplissement spirituel sans
pareil fruit du suprême recueillement pur et nu.

Shin Jin Mei — Inscrit sur l'Esprit en la Confiance Sereine

Maître Sosanganchi Zenji (–606)

 

La Parfaite Voie ne connaît nulle difficulté

Sinon qu’elle se refuse à tout attachement.

Ce n’est qu’une fois libérée de la haine et de l’amour

Qu’elle se révèle pleinement et sans masque.

Une différence d’un dixième de pouce d’avec elle

Et le ciel et la terre se trouvent séparés.

Si vous voulez voir la Parfaite Voie manifestée,

Ne concevez aucune pensée ni pour ni contre quoi que ce soit.

Opposer ce que vous aimez à ce que vous n’aimez pas

Voilà la maladie de l’esprit.

Lorsque le sens profond (de la Voie) n’est pas compris

La paix de l’esprit est troublée et rien n’est gagné.

La Voie est parfaite comme le vaste espace,

Rien n’y manque, rien n’y est superflu.

C’est parce que l’on fait un choix

Que sa vérité absolue se trouve perdue de vue.

Ne poursuivez pas les complications extérieures,

Ne vous attardez pas dans le vide intérieur.

Lorsque l’esprit reste serein dans l’unité des choses

Le dualisme s’évanouit de lui-même.

Et quand l’unité des choses

N’est pas comprise jusqu’au fond,

De deux façons la perte est supposée.

Le déni de la Réalité peut conduire à son absolue négation,

Alors que le fait de soutenir le Vide

Peut résulter en une contradiction avec soi-même.

Phraséologie, jeux de l’intellect, plus nous nous y adonnons

Et plus loin nous nous égarons.

Eloignons nous donc de la phraséologie

Et des jeux de l’intellect.

Il n’est nulle place où

Nous ne puissions librement passer;

Lorsque nous remontons à la racine

Nous obtenons le Sens.

Lorsque nous poursuivons les objets extérieurs

Nous perdons la raison.

Au moment où nous sommes Illuminés en nous-mêmes

Nous dépassons le vide du monde qui s’oppose à nous.

Les transformations qui se déroulent dans le monde vide

Qui se trouve devant nous semblent toutes réelles

A cause de l’Ignorance.

N’essayez pas de chercher la Vérité,

Cessez simplement de vous attacher à des opinions.

Ne vous attardez pas dans le dualisme,

Evitez avec soin de le poursuivre.

Aussitôt que vous pensez en bien et en mal

La confusion s’ensuit et l’esprit est perdu.

Dans l’unité du Vide, les deux sont un

Et chacun des deux contient en soi

Toutes les dix mille choses.

Lorsque nulle discrimination n’est faite entre ceci et cela,

Comment une vision partiale et préconçue peut-elle surgir?

La grande Voie est calme et large d’esprit,

Rien n’est facile, rien n’est dur.

Les petites opinions sont irrésolues,

Plus elles sont hâtivement adoptées

Et plus tard elles disparaissent.

L’attachement passionnel ne reste

Jamais dans de justes limites,

Il est sûr de se lancer dans la fausse voie.

Lâchez prise, laissez les choses comme elles sont

Leur essence ne part et ne subsiste pas.

Obéissez à la nature des choses

Et vous êtes en accord avec la Voie,

Calme, détendu, exempt de tout ennui.

Mais quand vos pensées sont liées,

Vous vous détournez de la Vérité;

Elles deviennent plus lourdes,

Plus sombres et cessent d’être saines.

Et lorsqu’elles ne sont pas saines, l’âme est troublée.

Quel avantage y a-t-il à avoir l’esprit partial et préconçu?

Si vous désirez parcourir le chemin du Grand Véhicule,

N’ayez aucun préjugé contre les six objets des sens.

Lorsque vous n’aurez plus de préjugés

Contre les six objets des sens,

Vous vous identifierez à votre tour avec l’Illumination.

Les sages sont non-agissants,

Alors que les ignorants s’enchaînent eux-mêmes.

Tandis que dans le Dharma lui-même

Il n’y a nulle individualisation (ou ego).

Ils s’attachent par ignorance aux objets particuliers,

Car ce sont leurs propres esprits qui créent les illusions.

N’est-ce pas là la plus grande des contradictions ?

L’ignorance suscite le dualisme du repos et du non-repos,

Ainsi, ceux qui sont Illuminés n’ont ni attachement ni répulsion.

Toutes les formes du dualisme,

C’est l’esprit lui-même qui les invente par ignorance.

Elles sont comme des visions et des fleurs dans les airs.

Pourquoi nous mettrions-nous dans le trouble

En essayant de les saisir ?

Gain et perte, justice et injustice,

Qu’ils disparaissent une fois pour toutes !

Si un oeil ne tombe jamais endormi

Tous les rêves cesseront d’eux-mêmes:

Si l’esprit conserve son unité.

Les dix milles choses sont d’une seule et même essence.

Lorsque le profond mystère de cette essence est sondé

D’un seul coup, nous oublions les complications extérieures.

Lorsque les dix mille choses

Sont envisagées dans leur unité,

Nous retournons à l’origine de ce que nous sommes.

L’ultime but des choses,

Là où elles ne peuvent pas aller plus loin,

N’est pas limité par les règles et les mesures.

L’esprit en harmonie avec la Voie

Est le principe d’identité.

Dans un état de quiétude.

Les irrésolutions sont complètement chassées

Et la juste confiance est restaurée dans sa droiture originelle.

Rien n’est retenu maintenant,

Il n’est plus rien dont on doive se souvenir,

Tout est vide, limpide

Et porte en soi un principe d’Illumination.

Il n’y a pas de tâche, pas d’effort,

Ni de gaspillage d’énergie.

Voici où la pensée ne parvient jamais,

Voici où l’imagination ne parvient pas à évoluer.

Dans le plus haut royaume de l’Essence Vraie,

Il n’y a ni Autre ni Soi.

Lorsqu’on réclame une identification directe,

Nous ne pouvons que dire  » pas deux « .

Et n’étant pas deux, tout est le même

Et tout ce qui est s’y trouve compris,

Dans les dix quartiers de la terre.

Tous les sages entrent dans cette confiance absolue.

Cette confiance absolue est au-delà du temps et de l’espace

Un instant y est dix mille années,

Peu importe comment les choses sont conditionnées

Que ce ne soit pas  » être  » ou  » ne pas être « ,

Tout cela est manifeste partout devant vous.

L’infiniment petit est aussi vaste que peut être l’immensité

Lorsque les conditions extérieures sont oubliées:

L’infiniment grand est aussi petit

Que l’infiniment petit peut l’être.

Lorsque les limites objectives sont reléguées hors de la vue,

Ce qui est, est la même chose que ce qui n’est pas,

Ce qui n’est pas est la même chose que ce qui est.

Lorsque cet état de choses manque de se produire,

Ne vous attardez surtout pas.

Un en Tout – Tout en Un !

Si seulement cela est réalisé,

Ne vous tourmentez plus alors sur votre imperfection.

L’esprit confiant n’est pas divisé

Et indivisé est l’esprit confiant.

C’est là que les mots sont impuissants,

Car, cela n’est ni du passé, ni du futur ni du présent.

Ainsi, nous ne pouvons pas dire  » pas de Dualité « .

Sengtsan (maître Tch’an) mort vers 606.

Shodoka — Le chant de l’éveil

Maître Yōka Genkaku / Anonyme~ 7e siecle

1 – Cher ami, ne vois-tu pas cet homme du satori qui a cessé d’étudier et est inactif ? Il ne cherche ni à écarter les illusions ni à trouver la vérité.

2 – La nature réelle de notre ignorance est la nature de Bouddha ; notre corps vide et illusoire est le corps du Bouddha.

3 – Si nous comprenons le corps de Bouddha, il n’y a plus rien. Source originelle, notre nature propre est le pur et vrai Bouddha.

4 – Les nuages flottants de cinq skandhas vont et viennent dans le ciel, l’écume des trois poisons apparaît et disparaît sur l’océan.

5 – Si nous comprenons la réalité, pour nous n’existe plus ni l’homme, ni la loi ; instantanément le pire karma, le karma de l’enfer, est détruit. Si je vous trompe par des paroles fausses, puissé-je encourir éternellement le châtiment de la langue arrachée.

6 – Si vous réalisez subitement dans, l’instant, le Zen du Bouddha, les six paramitas et les dix mille pratiques se réalisent pleinement dans votre corps.

7 – Dans notre rêve existent clairement les six sentiers illusoires. Mais quand nous nous éveillons, il n’existe plus rien, pas même les milliers de phénomènes.

8 – Il n’existe ni faute, ni bonheur, ni perte, ni gain. Dans la paix de cet achèvement absolu, nous ne devons rien rechercher.

9 – Depuis l’origine on n’a jamais essuyé la poussière accumulée sur le miroir, mais aujourd’hui il faut absolument en voir l’éclat.

10 – Qui est non-pensée (munen) ? Qui est non né (musho) ? Si le non-né existe réellement, il ne peut naître non plus.

11 – Demandez à une marionnette si acquérir des mérites pour trouver le Bouddha est efficace.

12 – Abandonne les quatre éléments et ne cherche plus à saisir. Dans la paix et l’achèvements absolus, bois et mange selon tes désirs. Tous les phénomènes sont impermanents, tout est ku. C’est justement cela le grand et complet satori du Bouddha.

13 – Une doctrine précise et de la plus haute dimension est le symbole du véritable moine. Si une personne n’est pas d’accord, la doctrine se révélera d’elle-même.

14 – Car la marque du Bouddha est de couper les racines directement. On ne peut à la fois amasser les feuilles et chercher les branches.

15 – Les gens ignorent le joyau précieux (mani). Mais chacun le possède, profondément enfoui (ce trésor du Tathagata) dans la conscience Alaya.

16 – L’action mystérieuse des six organes (Roppan) est ku et n’est pas ku en même temps. Le halo lumineux d’une perle appartient au monde des phénomènes et ne lui appartient pas en même temps.

17 – En purifiant nos cinq sortes de visions, on pourra acquérir les cinq pouvoirs. Par la pratique seulement, on peut comprendre cela. L’imaginer est difficile !

18 – Il n’est pas difficile de voir la lune dans le miroir. Mais il n’y a pas moyen de capturer la lune dans le courant de l’eau. Nous allons toujours seuls, nous marchons toujours seuls. Sur le chemin du nirvana, seuls jouent ensemble ceux qui sont accomplis.

19 – La mélodie de sa vie est classique, son esprit est pur et son allure a une noblesse naturelle. Ses joues sont creusées, ses pommettes fortes, personne ne prête attention à lui. Le fils de Cakya est connu pour être pauvre. En réalité, son apparence est pauvre mais son esprit ne connaît pas la pauvreté. Il est pauvre, aussi est-il habituellement vêtu de loques. Mais il possède la voie et garde ce trésor inestimable au fond de son esprit. Et ce trésor inestimable, même lorsqu’on en use, ne s’épuise jamais. Aussi, il peut en faire bénéficier chacune, en chaque occasion, sans aucune économie, éternellement.

20 – Les trois corps et les quatre sagesses se réalisent pleinement dans son corps. Les huit compréhensions (satori) et les six pouvoirs surnaturels sont imprimés dans le fond de son esprit.

21 – L’homme supérieur a la compréhension totale en une seule fois. L’homme moyen ou inférieur, bien qu’il entende beaucoup de choses, croit à peu de choses et n’a pas de vérité profonde.

22 – Dépouille-toi par toi-même des haillons qui cachent ce trésor. En face des autres, ne te vante pas de ta dévotion.

23 – Accepte les critiques et soumets-toi aux calomnies des autres. Ils finissent à se fatiguer eux-mêmes à vouloir enflammer le ciel avec une torche. Lorsque tu les écoutes, c’est comme si tu buvais un doux nectar. Il se dissout instantanément et entre dans le mystère.

24 – Si tu comprends que les paroles mauvaises deviennent des mérites, alors elles deviennent pour toi un maître de la Voie. Si, par les critiques, tu ne t’éveilles pas au-delà de la notion d’ami ou d’ennemi, comment pourras-tu réaliser les pouvoirs illimités (Musho) de la compassion et de la persévérance (Jinin) ?

25 – Si tu comprends parfaitement l’origine, le principe, tu pourras l’enseigner parfaitement. Zazen et sagesse (dhyana et prajna) seront en complète fusion sans demeurer sur ku seulement.

26 – Il n’y a pas que moi seul maintenant qui aie la compréhension. Les Bouddhas innombrables comme les grains de sable du Gange sont tous de même essence. La doctrine de la non-crainte est comme le rugissement du lion. Il brise le cerveau des cent animaux qui l’entendent. L’éléphant, malgré sa puissance, perd sa dignité. Seul le dragon du ciel écoute cette voix avec contentement.

27 – J’ai traversé océans et lacs, j’ai passé montagnes et rivières, j’ai visité les Maîtres, j’ai cherché les Voies, j’ai pratiqué zazen. Et depuis que j’ai trouvé le chemin du mont Sokei, je sais que naissance et mort ne sont pas différents.

28 – Marcher est aussi le Zen, s’asseoir est aussi le Zen. Que l’on parle ou que l’on soit silencieux, que l’on bouge ou que l’on soit immobile, le corps demeure toujours en paix.
Même si on se trouve face à une épée, l’esprit demeure tranquille. Même si on se trouve face au poison, l’esprit demeure imperturbable.

29 – Mon maître a rencontré le Bouddha Nento et, il y a longtemps, il devint Non-Niku Sen.

30 – Nous devons vivre maintes fois et maintes fois mourir. Vie et mort se succèdent sans cesse dans l’éternité.

31 – Du fait de la réalisation immédiate de la non-naissance (Mussho), plus n’est besoin de se réjouir ou de se tourmenter pour les honneurs ou la disgrâce.

32 – Se retirer dans les montagnes profondes, vivre dans un petit ermitage, assis sous un grand pin, calme et tranquille, pratiquer zazen, paisible et heureux dans la demeure du moine-ermite, vie simple et sereine, véritable beauté.

33 – Si vous vous éveillez et que vous comprenez, il n’est plus nécessaire de faire de vains efforts : rien n’appartient à l’ordre de ui (l’impermanence des phénomènes)

34 – Le don (fuse) pratiqué dans un but peut donner le bonheur de renaître dans le ciel, mais c’est comme décocher une flèche vers le ciel.

35 – Lorsque la force de la flèche est épuisée, elle retombe au sol, et cela est source de karma contraire pour le futur.

36 – Cela est tout à fait autre que d’être sous la porte de Muijiso par laquelle on entre instantanément dans la dimension du Bouddha.

37 – Seulement saisir la racine originelle, ne pas se préoccuper des branches, cela est comme capter le reflet de la lune dans un joyau pur.

38 – Je connais maintenant ce trésor de vraie liberté, inépuisable non seulement pour moi-même mais aussi pour les autres. La lune brille sur l’eau de la rivière, le vent souffle dans les pins : fraîche et pure ombre d’une longue nuit. Quelle en est la cause ?

39 – Le trésor des préceptes de la nature de Bouddha est imprimé dans le fond de notre esprit. Le brouillard et la rosée, la pluie et la brume sont le kesa qui revêt notre corps.

40 – Le bol du moine pour appeler le dragon et le bâton pour écarter le tigre. Les anneaux de métal au sommet du bâton tintent clairement. Bol et bâton ne doivent pas être considérés sous leur simple forme matérielle. Ils signifient suivre intimement la trace du Bouddha et symbolisent son précieux bâton.

41 – Ne pas chercher la vérité, ne pas couper les illusions. Car je comprends clairement que ces deux éléments sont ku, sans forme.

42 – Le non-forme n’est ni ku ni non-ku, c’est la véritable forme du Bouddha. Le miroir de l’esprit est pur et rien ne vient l’obscurcir ; par sa pureté et sa clarté, il reflète tout l’univers.

43 – Les reflets de milliers de phénomènes se manifestent dans ce miroir, ce joyau parfait n’a ni extérieur ni intérieur. La vraie liberté de ku chasse la relation de cause à effet, tout est alors en parfaite confusion et désordre et apporte catastrophe abominable.
Abandonner u, les existences, pour ne garder que ku, vacuité, est aussi une grave maladie, cela revient à se jeter dans le feu pour éviter de tomber dans l’eau. Vouloir abandonner les illusions pour ne garder que la vérité est discrimination, artifice et imitation. Lorsqu’un homme ne suit que la pratique en ignorant cela, il est comme celui qui adopte un voleur pour en faire son fils.

44 – Nous gaspillons le trésor du Dharma et nous perdons ses mérites. La cause en est cette conscience du mental, aussi l’école Zen dissout-elle ce mental. Entrer dans le satori de la non-naissance immédiatement, tel est le pouvoir de la vraie sagesse.

45 – L’homme vrai saisit l’épée de la sagesse. Pointe acérée de la sagesse, flamme aussi puissante que le diamant.

46 – Cette épée est capable de briser l’esprit de toutes pensées et conceptions erronées mais elle peut également frapper par surprise tous les démons. L’enseignement du Bouddha est comme la voix du tonnerre, la loi qui gronde ou le roulement du tambour.
Il étend un nuage de compassion et répand un nectar doux comme le miel. Les traces du dragon et de l’éléphant s’étendent partout sans limites, de sorte que tous les hommes, même ceux qui ont acquis un satori dogmatique ou acquis par la connaissance des livres, peuvent s’éveiller et trouver le vrai satori par cet enseignement. Sur les glaciers de l’Himalaya ne pousse qu’une herbe pure et sans mélange. Elle donne, exclusivement,
l’essence du goût. Et ce goût, toujours je le conserve.

47 – Une seule nature contient toutes les natures, une seule existence inclut totalement toutes les existences. Une seule lune se reflète dans toutes les eaux, tous les reflets de la lune dans l’eau proviennent d’une seule lune.

48 – Le corps spirituel Dharma Kaya de tous les Bouddhas entre dans ma nature. Ma nature s’harmonise avec l’esprit du Tathagata. Une sagesse inclut parfaitement toutes les sagesses. Il n’y a ni forme, ni conscience, ni action du Karma.

49 – Durant un seul instant, quatre-vingt mille portes sont créées, durant un seul instant, le temps éternel est achevé.

50 – Les mesures ne sont pas mesure. Comment être en rapport avec notre nature véritable ? Ne pas critiquer, ne pas louer. Notre corps est comme le ciel. Ils sont sans limites.

51 – Si tu ne quittes pas la place où tu es, tu demeures tranquille. Si tu cherches à connaître, tu te rendras compte que tu ne peux ni comprendre, ni acquérir, ni rejeter. Ce que tu ne peux pas obtenir, inconsciemment tu l’obtiendras. Lorsque tu es silencieux, tu discours ; lorsque tu discours, tu es silencieux. Quand la grande porte du don (fuse) est ouverte, il n’y a plus d’impasse.

52 – Si quelqu’un me demande à quelle religion j’appartiens, je réponds : la puissance de Maka Hannya.

53 – Qu’est-ce que le bien, qu’est le mal ? Les hommes ne peuvent le savoir. Qu’est-ce qui va dans le bon sens ou à contre-courant ? Même le ciel ne peut le mesurer.

54 – Pendant longtemps, autrefois, j’ai pratiqué et étudié. Ce ne sont ni paroles en l’air ni mensonges. Ici, je dresse le drapeau de la loi et j’établis la vraie religion. La véritable et sainte lignée du Bouddha se continue à travers le moine du mont Sokei. Mahakashyapa, le premier, transmit la lampe, le flambeau, puis l’histoire compta vingt-huit générations sous le ciel de l’Inde. Par la voie des océans, le Zen a atteint cette terre, Bodhidharma en fut le fondateur. Six générations illustres lui succédèrent et transmirent la robe.
Désormais, dans les générations futures, nombreux seront ceux qui recevront la Voie du Zen.

55 – La vérité du Zen n’a pas besoin d’être défendue. De même l’origine des illusions, elle aussi, est ku. Mais existence ou non-existence, quand ces deux points de vue sont abandonnés, non-ku lui-même devient ku.

56 – Les vingt portes de ku n’ont pas d’existence. La nature unique des Tathagatas est originellement identique pour toutes les existences.

57 – L’esprit est la racine, le Dharma est la poussière. Tous deux sont comme les reflets dans le miroir. Lorsqu’on a enlevé cette poussière, la lumière, alors, resplendit. Esprit et Dharma ont complètement disparu, notre nature est alors authentique. Hélas ! Cette époque est marquée par la dégénérescence du Dharma, les hommes ne sont guère heureux ; il est difficile de les diriger, ils sont très loin de la sagesse, de la sainteté et se plongent dans de fausses conceptions. Les démons sont puissants, le Dharma est faible et la haine malfaisante se répand partout. Ils ont la possibilité d’écouter l’enseignement de la porte de la vraie doctrine du Bouddha, malheureusement ils le rejettent, le brisent en mille morceaux comme une tuile et ne peuvent retrouver la forme originelle.

58 – L’action provient de l’esprit, les maux proviennent du corps, aussi ne devez-vous prouver aucun ressentiment envers autrui.

59 – Si tu ne veux pas t’attirer un karma illimité, ne critique pas la roue (l’enseignement) du Dharma du Bouddha.

60 – Dans la forêt de bois de santal ne pousse aucun autre arbre. Les lions seuls demeurent dans cette forêt profonde, dense, silencieuse. Et partout, dans ce bois tranquille, les lions s’amusent librement. Tous les animaux de la terre et tous les oiseaux du ciel se sont enfuis au loin, seuls les lionceaux marchent à la suite du lion. A peine âgés de trois ans, ils sont déjà capables de rugir. Et même si les chacals voulaient imiter ces lions, rois du Dharma, ils ne pourraient empêcher les cent mille démons d’ouvrir leur bouche librement.

61 – L’enseignement véritable ne peut être saisi par l’entendement humain. Mais si vous avez des doutes, si vous ne comprenez pas, il vous est tout à fait possible d’en discuter avec moi.
Ceci n’est pas une opinion issue de mon dogmatisme. Il est à craindre seulement que notre pratique ne dégénère vers les deux extrêmes de la négation et de l’affirmation.

62 – Le négatif n’est pas négatif (non n’est pas non), le positif n’est pas positif (oui n’est pas oui). Si nous nous trompons à ce sujet, même d’un cheveu, nous nous écartons de mille lieues. Lorsque c’est oui, la fille du Dragon elle-même peut subitement devenir
Bouddha, lorsque c’est non, le moine Zensho (« bonne étoile ») lui-même peut, de son vivant, tomber en enfer.

63 – Pour ma part, depuis mes jeunes années, j’ai accumulé les connaissances, j’ai étudié les textes et leurs commentaires ainsi que les Sutras. J’ai réfléchi sur les noms et les formes mais je n’ai pas connu le repos dans ces études ; car c’est sûrement aussi vain que de vouloir entrer dans l’océan pour en compter les grains de sable. Le Bouddha me le reprocha, à juste titre, car, enfin, quelle utilité y a-t-il à compter le trésor des autres ?

64 – Maintenant je vois bien que jusqu’à aujourd’hui, moine errant, j’ai pratiqué en vain et pendant de longues années, j’ai erré dans de mauvaises voies. Ma nature étant peu lumineuse, je me suis trompé et n’ai pas compris. Aussi n’ai-je pu accéder au véritable enseignement du Bouddha.

65 – L’Hinayana est entièrement dévoué à la Voie (shojin) mais l’amour universel lui fait défaut. L’intelligence et le savoir manquent de sagesse profonde.

66 – Ils sont stupides et puérils ceux qui créent une fausse réalité dans leur poing vide ou au bout de leur doigt.

67 – Ils n’obtiennent rien en prenant pour la lune le doigt qui la montre. Ils mélangent et confondent volontairement le monde objectif et subjectif. L’homme qui embrasse tous les aspects est Bouddha. Alors, il peut véritablement être appelé du nom de kanjizai (Avalokitesvara)

68 – Lorsque l’illumination est réalisée, le karma originel devient ku. Autrement nous devrions payer nos dettes.

69 – Nous avons faim et même devant une table royale nous ne mangeons pas. Nous sommes malades et même si nous rencontrons le roi des médecins et ne suivons pas ses remèdes comment pourrons-nous être guéris ?

70 – Dans le monde des désirs, nous pouvons pratiquer le Zen par le pouvoir de la sagesse. Lorsque le lotus est né dans le feu jamais il ne pourra être détruit. Yuse a transgressé l’un des plus importants préceptes mais ensuite, il eut le satori de la non-naissance, dans l’instant il devint un Bouddha et maintenant il existe.

71 – L’enseignement semblable au rugissement du lion est sans peur. Quelle pitié que ces esprits stupides et confus !

72 – Ils comprennent que violer les préceptes est un empêchement à l’illumination, mais ils ne peuvent découvrir le secret de l’essence de l’enseignement du Bouddha.

73 – Deux moines avaient enfreint le précepte de chasteté et avaient commis un crime.
L’enseignement d’Hari (Upali) ne fit qu’accroître leurs remords. Mais le grand Yuima instantanément effaça leurs doutes aussi vite que neige et glace fondent au soleil. La puissance mystérieuse de l’illumination a des effets merveilleux aussi innombrables que les grains du sable du Gange. Pourquoi refuser la peine de lui faire les quatre offrandes, dix mille pièces d’or à côté de cela ne valent rien.

74 – Même si nous devions réduire nos os en poudres ou couper notre corps en morceaux, cela ne serait pas encore suffisant pour le remercier. Un seul mot juste est au-delà de dix milliards de mots.

75 – Il est le roi du Dharma, il est le plus haut. Tous les Bouddhas aussi nombreux que les grains de sable du Gange en témoignent. Je sais maintenant ce qu’est ce joyau (mani) et tous ceux qui le reçoivent avec confiance peuvent être rois du Dharma. Il n’y a rien à trouver dans le monde du satori, il n’y a ni homme ni même Bouddha. Les cosmos innombrables eux-mêmes sont comme des bulles dans l’océan. Tous les sages et vénérables sont comme des éclairs du ciel.

76 – Même si un grand cercle de métal se met à tourner au-dessus de ma tête, la clarté parfaite de jo-e demeure toujours. Même si le soleil devient froid ou si la lune se réchauffe, malgré les nombreux démons, la vraie doctrine reste indestructible. Le char de l’éléphant avance lentement sur le chemin, comment la mante religieuse pourraient-elles refuse le passage à ses roues? Le grand éléphant ne joue pas sur le sentier des petits lapins, un grand satori est au-delà des petits honneurs.

Ne juge pas de l’immensité du ciel bleu à travers une paille. Si tu n’as pas encore la compréhension, je te confirmerai maintenant plus profondément.

Sandōkai — L’harmonie entre Différence et Identité

Maître Sekito Kisen (700–790)

 

L’esprit du Grand Sage de l’Inde s’est transmis intimement d’ouest en est.

Il y a des différences entre les capacités des hommes qui sont plus ou moins aiguisées, mais dans la voie il n’y a ni patriarche du nord, ni patriarche du sud.

La source spirituelle brille clairement dans la lumière; les effluents s’écoulent dans l’obscurité.

L’attachement aux phénomènes est cause d’illusion mais l’union avec l’identité n’est pas encore l’éveil.

Tous les objets des sens sont en interaction et pourtant ne le sont pas.

L’interaction augmente la solidarité, sans quoi chacun reste sur sa position.

Les objets visuels varient en qualité comme en forme.

Les sons sont tantôt agréables, tantôt désagréables.

Dans l’obscurité pureté et souillure se confondent. Dans la clarté pureté et souillure se distinguent.

Les quatre éléments reviennent à leur nature comme un enfant retourne à sa mère. Le feu chauffe, le vent bouge, l’eau mouille, la terre est solide.

Oeil et vision, oreille et sons, nez et odeur, langue et saveur; ainsi pour tout ce qui existe, selon ces racines, les feuilles se .développent.

Le tronc et les branches partagent la même essence, noble et vulgaire ne sont que des mots.

Dans la lumière existe l’obscurité, mais ne voyez pas l’obscurité comme obscurité.

Dans l’obscurité existe la lumière, mais ne voyez pas la lumière comme lumière.

La lumière et l’obscurité diffèrent comme le pied avant et le pied arrière dans la marche.

Toutes les choses ont leur mérite exprimé suivant leur fonction et leur place.

Elles existent comme phénomènes et se correspondent comme la boîte et son couvercle.

Elles s’accordent avec le principe comme la rencontre de deux pointes de flèches.

Entendant les mots comprenez-en le sens, ne créez pas vos propres catégories.

Si vous ne comprenez pas la voie qui se trouve sous vos pieds, comment connaîtrez-vous le chemin sur lequel vous marchez ?

Quand on avance dans la pratique il n’est pas question de proche ou d’éloigné, mais la confusion crée des obstacles tels que des montagnes et des rivières.

Vous qui cherchez la voie, je vous en prie ne laissez pas vainement passer les jours et les nuits.

Hōkyō zanmai — Le Samadhi du Miroir Précieux

Maître Tozan Ryokai (807–869)

 

Ainsi est le Dharma que le Bouddha et les Patriarches ont transmis intimement.

Maintenant vous l’avez, alors protégez-le bien.

Comme un bol rempli de neige, comme un héron caché dans le clair de lune, ils sont semblables mais non identiques; rapprochés leurs différences apparaissent.

Le sens ne réside pas dans les mots, mais le moment décisif le fait apparaître.

Si vous les suivez vous êtes pris au piège, si vous les négligez vous tombez dans le doute.

Rejeter les mots et s’y attacher sont des erreurs, car c’est comme un grand feu, qui est utile mais dangereux.

Le décrire de façon littéraire c’est le tacher de souillures.

Dans l’obscurité de la nuit cela est parfaitement clair; à la lumière du jour cela est caché.

C’est la Loi qui gouverne toutes choses ; utilisez-le pour déraciner toutes les souffrances.

Bien que cela ne soit pas fabriqué, ce n’est pas au-delà des mots.

C’est comme devant le miroir précieux; la forme et le reflet se regardent.

Vous n’êtes pas cela mais cela est vous. C’est comme un bébé nouveau-né, il est pourvu des cinq organes des sens.

N’allant ni ne venant; n’apparaissant ni ne demeurant; « baba, wawa » est-ce que cela dit quelque chose ou pas ?

À la fin, il ne dit rien, car ses mots ne sont pas encore justes.

En doublant le trigramme du feu, les lignes intérieures et extérieures interagissent. Empilées elles deviennent trois, permutées elles deviennent cinq.

Comme le goût de la plante aux cinq saveurs, ou comme les cinq branches du sceptre vajra.

Harmonieusement réunis au centre, le tambour et le chant arrivent ensemble.

Pénétrer la source et aller sur la voie, embrasser le paysage et apprécier le chemin. Respectez cela et ne le négligez pas. Naturel et subtil, ce n’est ni l’ignorance ni l’éveil.

Parmi les causes et les conditions, le temps et les saisons, il est serein et illumine.

Il est si pur qu’il pénètre là où il n’y a pas d’espace, il est si vaste qu’il est au-delà de toute dimension. Si vous vous en écartez de la distance d’un cheveu, vous n’êtes plus en harmonie.

Maintenant il y a le soudain et le graduel, dans lesquels les enseignements et les approches apparaissent.

Quand ils se différencient chacun possède ses normes.

Mais que ces enseignements et ces approches soient maîtrisés ou non, la réalité s’écoule constamment.

À l’extérieur le calme, à l’intérieur l’agitation, c’est comme le cheval entravé ou le rat caché.

Les sages d’autrefois eurent pitié d’eux et leur offrirent le Dharma. Conduits par leurs vues erronées ils prirent le noir pour le blanc. Quand ces vues erronées cessent, ils réalisent l’esprit qui s’harmonise naturellement.

Si vous voulez suivre la voie ancienne, je vous en prie, observez les sages d’autrefois.

Celui qui est sur le point de réaliser la voie de Bouddha a contemplé l’arbre pendant dix kalpas.

C’est comme la blessure du tigre ou le boitillement du cheval.

Parce que certains ont un manque ils cherchent le siège précieux et les vêtements décorés.

Parce que d’autres ont une vision large, ils réalisent qu’ils sont comme le boeuf brun et le boeuf blanc.

Hïeï par sa grande habileté atteignit la cible à cent mètres.

Mais quand les flèches se touchent en plein vol, comment cela peut-il être une question d’habileté ?

L’homme de bois se met à chanter, la femme de pierre se lève et danse. Cela n’est pas atteint par les sensations ni la conscience, comment cela pourrait-il concerner les discriminations ?

Les ministres servent le seigneur, les enfants obéissent à leurs parents. Ne pas obéir est contraire au devoir filial, ne pas suivre n’est pas être un véritable ministre. Cachez votre pratique, agissez discrètement, apparaissez comme un fou ou bien un idiot.

Juste continuer ainsi est appelé être un maître parmi les maîtres.

Fukanzazengi — Guide Universel sur la Voie Juste de Zazen

Maître Eihei Dōgen (

 

La Voie est fondamentalement parfaite. Elle pénètre tout. Comment pourrait-elle dépendre de la pratique et de la réalisation ?

Le véhicule du Dharma est libre et dégagé de toute entrave. En quoi l’effort concentré de l’homme est-il nécessaire ? En vérité, le Grand Corps est bien au-delà de la poussière du monde. Qui pourrait croire qu’il existe un moyen de l’épousseter ?

Il n’est jamais distinct de quiconque, toujours exactement là où l’on est. À quoi bon aller ici ou là pour pratiquer ?

Cependant, s’il y a un fossé, si étroit soit-il, la Voie reste aussi éloignée que le ciel l’est de la terre. Si l’on manifeste la moindre préférence ou la moindre antipathie, l’esprit se perd dans la confusion.

Imaginez une personne qui se flatte de comprendre et qui se fait des illusions sur son propre éveil, entrevoyant la sagesse qui pénètre toutes choses, joint la Voie et clarifie l’âme, et fait naître le désir d’escalader le ciel lui-même. Celle-là a entrepris l’exploration initiale et limitée des zones frontalières mais son action est encore insuffisante sur la Voie vitale de l’émancipation absolue.

Ai-je besoin de parler du Bouddha, qui était en possession de la connaissance innée ? On ressent encore l’influence des six années qu’il vécut, assis en lotus dans une immobilité totale.

Et Bodhidharma, dont la transmission du sceau jusqu’à nos jours a conservé le souvenir de ses neuf années de méditation devant un mur ?

Puisqu’il en était ainsi avec les saints d’autrefois, comment les hommes d’aujourd’hui peuvent-ils se dispenser de négocier la Voie ?

Vous devez en conséquence abandonner une pratique fondée sur la compréhension intellectuelle courant après les mots et vous en tenant à la lettre. Vous devez apprendre le demi-tour qui dirige votre lumière vers l’intérieur pour illuminer votre vraie nature. Le corps et l’esprit d’eux-mêmes s’effaceront, et votre visage originel apparaîtra.

Si vous voulez atteindre l’éveil, vous devez pratiquer l’éveil sans tarder.

Pour zazen une pièce silencieuse convient. Mangez et buvez sobrement. Rejetez tout engagement et abandonnez toute affaire. Ne pensez pas « ceci est bien, cela est mal ».

Ne prenez parti ni pour ni contre. Arrêtez tous les mouvements de l’esprit conscient. Ne jugez pas des pensées et des perspectives. N’ayez aucun désir de devenir un Bouddha.

Zazen n’est pas limité à la position assise ou la position allongée.

À l’endroit où vous avez l’habitude de vous asseoir, étendez une natte épaisse et placez un coussin dessus. Asseyez-vous en lotus ou bien en demi- lotus. Dans la posture du lotus, vous placez d’abord votre pied droit sur votre cuisse gauche, et votre pied gauche sur votre cuisse droite. Dans la posture du demi-lotus, vous vous contentez de placer votre pied gauche sur votre cuisse droite. Veillez à desserrer vos vêtements et votre ceinture, arrangez- les convenablement. Placez alors votre main droite sur votre jambe gauche et votre main gauche (tournée vers le haut) sur votre main droite. Les extrémités des pouces se touchent. Asseyez-vous bien droit, dans l’attitude corporelle correcte, ni penché à gauche ni penché à droite, ni en avant ni en arrière. Assurez-vous que vos oreilles sont dans le même plan que vos épaules et que votre nez se trouve sur la même ligne verticale que votre nombril. Placez la langue en avant contre le palais; la bouche est fermée, les dents se touchent. Les yeux doivent rester toujours ouverts et vous devez respirer doucement par le nez. Quand vous avez pris la posture correcte, respirez profondément une fois, inspirez et expirez.